La station théâtre

La Remise de prix

D’après Mes prix littéraires de Thomas Bernhard

Traduction Daniel Mircky, Gallimard, 2010

Une treizième saison de théâtre et de poésie s’achève à La Station théâtre. Quoi de plus naturel que de la couronner d’une remise de prix à un auteur méritant ? A l’instar de celle des Molières, cette cérémonie se déroulera en présence d’un ministre des arts et de la culture au « visage fondamentalement stupide, insensible et béotien », qui aurait « ânonné publiquement des contrevérités enrobées de stupidités » après que l’auteur eût pris l’argent, « car il faut accepter tout argent provenant de l’Etat , qui chaque année jette, de façon tout à fait absurde, des millions et même des milliards par la fenêtre. » Par la fenêtre de tir dans un grand effort de guerre (NDLR).

Cette charge féroce et dévastatrice en lieu et place du « discours de remerciement » demandé par l’institution lors d’une remise de prix littéraire, et qu’il a été incapable d’écrire, est improvisée par Thomas Bernhard. Cela se passe en Autriche, c’est-à-dire partout. Dans cette confidence inattendue, dans cette confession jubilatoire, le grand écrivain tire à volonté contre les fascistes et les bien-pensants de tous poils, et contre lui-même… humain, trop humain. Une situation tragi-comique que Le Théâtre de l’Incendie, qui connaît bien le public de La Station théâtre, a souhaité adresser et partager avec nous, sans concession.

Déjà venu accompagner à La Station théâtre Thierry Gibault dans Une trop bruyante solitude puis Maxime Dambrin dans Le pied de Rimbaud, le metteur-en-scène Laurent Fréchuret revient cette fois avec le comédien Jean-Claude Bolle-Reddat dont l’aisance et le naturel presque ingénu  font couler le ressassement et l’ironie parfois violente de la langue de Bernhard en lui évitant l’écueil des grincements où pourraient s’échouer les infatuations surplombantes d’une interprétation cavalière.

Mais laissons le comédien lui-même nous présenter dans la simplicité désarmante de son approche cette remise de prix qui conclura notre saison :

 ” La première fois que j’ai vu cet auteur monté au théâtre c’était dans Le Faiseur de théâtre mis en scène par Jean-Pierre Vincent. Je me souviens de ma fascination pour ce spectacle d’une férocité, d’une drôlerie vraiment très singulière pour moi au théâtre.

Bernhard est un auteur majeur de la seconde moitié du XXème siècle. Sa dénonciation de la « bonne société » viennoise de l’après-guerre plus que laxiste par rapport aux anciens dirigeants nazis est sans concession. 30 ans après sa mort on se rend compte qu’à travers la société autrichienne c’est une critique implacable et prophétique de l’évolution sociale des sociétés occidentales.

Dans Mes prix littéraires ce qui me touche profondément c’est qu’il se met en scène lui-même dans toutes ses contradictions. Même si plus tard il n’acceptera plus les prix, là en tout cas il les reçoit pour s’acheter tour à tour : un costume, une voiture de sport, une maison… Et au fil de ses prix on assiste à sa transformation irréversible en Don Quichotte des temps modernes.”

Rien de plus évident que cette métamorphose de corps et d’esprit pour maintenir jusqu’à la saison prochaine la ferveur de notre âme et de notre imagination contre la terrible réalité à l’œuvre quand « le froid ayant augmenté avec la clarté, la science de la nature sera pour nous une clarté plus haute et un froid bien plus hostile que nous ne pouvons l’imaginer. “

Ce spectacle a été créé en résidence au Théâtre du Verseau à Saint Etienne

Le Théâtre de l’Incendie est conventionné par la DRAC et la région Auvergne-Rhône Alpes,

le conseil départemental de la Loire et la ville de Saint-Etienne

Vendredi 23 mai à 20H, résa Vendredi 

Samedi 24 mai à 20H, résa Samedi